La France est nulle en grève !

Publié le par Tiger


L'ensemble des médias français n'a eu de cesse, depuis le 18 octobre dernier (date de la première grève des transports) et surtout depuis une quinzaine de jours, de répéter que la France était décidément LE pays de la grève, l'incarnation de la promptitude à renacler à toute idée de réforme. Hélas, même dans ce domaine, la France se surestime. Comme en foot, en rugby, en sexualité, en diplomatie, en économie, la France sarkozyste est loin de ses prétentions, et, même si, par les temps qui courent, il faut être pugnace pour les trouver, les preuves de la médiocrité de la contestation sociale à la française existent.
Il y a deux ans, le blog 1984 faisait déjà ce constat cinglant en s'appuyant sur plusieurs études dont celle, très détaillée, de l'Observatoire Européen des Relations Industrielles (EIRO) qui montre très clairement que la France se situe en-dessous de la moyenne européenne. Le graphique ci-dessous le montre clairement. Il représente la moyenne annuelle (sur 2000-2003) du nombre de journées de travail perdues pour  1000 salariés suite à des actions syndicales. La moyenne européenne est de 44,2, la France est à 40,5.

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Un autre enseignement est à tirer de ce graphique : on s'aperçoit que les pays scandinaves, présentés comme le modèle social à suivre, et qui ont introduit beaucoup de flexibilité dans la gestion du travail, sont tous "mieux" classés que la France, avec un score de 41,4 pour la Suède, 44 pour le Danemark, 55,3 pour la Finlande et 77,2 pour la Norvège. Comme en football, les "meilleurs" sont les Italiens avec un score de 134,7 et les espagnols, loin devant avec un taux de 219,7. Les français peuvent toujours s'accrocher !


Un article récent de Libération revient sur le mythe d'une France gréviste. François Doutriaux, enseignant en droit privé et consultant juridique indépendant, spécialisé en droit du travail et en droit pénal, (auteur, en août dernier, d' un article paru sur le site rue89.com expliquant comment le fameux paquet fiscal allait enrichir les riches et appauvrir les pauvres en dévalorisant les revenus du travail) analyse les faits et constate à son tour que non, la France est décidément loin d'être le pays de la contestation, en partie parce que le secteur privé, soumis à une précarité de plus en plus forte, ne fait plus grève. La contestation sociale est devenue l'apanage du secteur public. Ce fut particulièrement le cas en 1995 quand les fonctionnaires avaient le soutien du pays tout entier.
François Doutriaux relève notamment que sur deux périodes (1970-1990 et 1990-2005), la France a conservé son rang peu prestigieux de 11ème état sur les 18 pays les plus industrialisés. Même les Etats-Unis font davantage grève. Pire (mieux ?) : entre ces deux périodes, le nombre de conflits s'effondre : il passe de 0,15 jour de grève par salarié et par an à 0,03.
L'article montre que les conflits en France sont de plus en plus localisés, loin de l'idée de grands mouvements nationaux qui paralyseraient le pays. Sur la période 1970-1990, les conflits locaux représentaient 51,2% des journées de grève, les conflits propres à une profession 34,9% et les journées nationales d'action 13,9%. Sur la période 1990-2005, le pourcentage des conflits locaux passe à 85%, celui des conflits liés à une profession à 14% et celui des journées d'action nationale n'est plus que de 1%, incluant le mouvement de 1995. On est très loin du sentiment véhiculé par le pouvoir et les médias sur les "prises d'otage" à répétition des salariés !
François Doutriaux revient aussi les mesures et les annonces faites par Nabot-Léon concernant les grèves. Il démontre ainsi que le vote à bulletin secret en cas de conflit de plus de huit jours pourrait conduire, en cas d'un vote majoritairement favorable à la poursuite d'une grève, à empêcher les non-grévistes de travailler, contrevenant ainsi au droit fondamental de travailler ! Quand on sait par ailleurs que la quasi-totalité des conflits sociaux en France ne dure que deux jours, on comprend ce que cette volonté d'instaurer un vote à bulletin secret a d'électoraliste, de populiste et de marketing.
Enfin, l'article évoque la loi du 21 août 2007 relative à la grève dans les transports qui, loin d'instaurer un véritable service minimum (la preuve en fût donné au cours des dix derniers jours) comme l'avait claironné le candidat devenu président, ne fait que reprendre sous une autre forme des dispositifs déjà existants visant à prévenir les conflits.

Encore un mythe qui s'effondre. Le coq gaulois, "le seul animal à chanter les deux pieds dans la merde", comme l'avait souligné Coluche, va devoir chercher un autre motif de satisfaction.

Publié dans ça ne tourne pas rond

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Z
La Cyber-résistance : Aucun pays a part la France n'autorise la grève dans son propre service public, c'est un non sens. Si les grèves en Espagne sont si forte c'est que le droit et l'économie leurs permettent de la faire... pas en France où seuls les "p'tit gauchistes" de la CGT (Les 8% de la population, quel mouvement populaire !) peuvent se le permettre. Cessez avec vos stupides comparatifs entre choses qui n'ont aucun rapport.
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T
Je recommande à tous mes lecteurs de NE PAS VISITER LE BLOG de ce "cyberrésistant" dont les idées puent à cent kilomètres le caca kaki raciste. Je me suis inscrit par erreur à sa communauté et je fais tout ce qui est en mon pouvoir de chat pour m'en décoller les pattes.Ça me démange, d'ailleurs, de censurer ce commentaire, mais je suis un chat démocrate...MAJ du 8 décembre 2007Un crétin au verbiage prétentieux a, au nom d'un "comité administratif du web résistant", réagi à ce message en publiant ici-même  une diatribe qui se voulait héroïque mais qui n'était que pathétique en demandant des excuses, mais ne proposant en échange que quelques fautes d'orthographe. Je le répète, je suis démocrate et profondément attaché à la liberté d'expression, mais ces valeurs n'excluent pas la lutte contre la bétise humaine et la misère intellectuelle, bien au contraire. Donc j'ai supprimé ce message dans un élan de démocratie ;-) Mais au moins, il m'a viré de sa communauté, et j'espère qu'il aura également relâché tous les autres membres qui s'étaient comme moi laissés abusés et avec qui j'ai échangé d'excellents courriers amicaux.
D
Ah ça fait plaisir! Je jubile d'avoir grâce à toi et en un billet les preuves dénonçant cette contre-vérité. Je relaie tout ça. Merci :)
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M
Par contre, on devient les rois de la désinformation grâce à nos chers média !
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